Ariosto Furioso – Chelsea Quinn Yarbro
Chalenge ABC 2012
Ce roman est une uchronie, qu’on se le dise. Ce point mérite d’être précisé. N’étant pas très au fait de l’histoire de l’Italie, je n’aurais pas su que c’était une uchronie si je ne m’étais pas
un peu renseignée sur le contexte historique du roman, pour mieux le comprendre.
En cet année de 1533, au lieu d’être un territoire morcelé et soumis à un enchainement de guerres, la botte est un état uni, appelé Italia Federata (en réalité, l’Italie sera unifiée bien des
siècles plus tard). Par opposition, l’Espagne est un état faible. L’Angleterre est en quête d’alliances, tandis que le roi vient de divorcer, s’opposant ainsi à l’Eglise.
Cette fédération a vu naissance par la volonté de Damiano de’ Medici, el Primario (le Premier, le traducteur a choisi de ne pas traduire de nombreux mots), l’équivalent d’un premier ministre.
Bien que jeune, cet état déborde déjà d’ambition, en envoyant des navires vers le Nouveau Monde.
Mais cette unification n’est pas de tout repos et les tensions sont nombreuses au sein de l’état. De plus, au sein même de la famille de’ Medici, les complots pour le pouvoir sont foison. Damiano
de’ Medici fait face à des opposants qui agissent dans l’ombre pour détruire la fédération. Entre politique et religion, il lui est souvent fort pénible de savoir en qui il peut faire confiance.
Dans cette atmosphère tumultueuse, Damiano a cependant un fidèle ami, Lodovico Ariosto. C’est un poète qui a fort peu les pieds dans la réalité et ne se rend pas toujours compte des tenants et
aboutissants des événements qui se déroulent autour de lui. Il aimerait cependant autant que possible aider Damiano.
C’est par le regard de Lodovico, que l’on perçoit les événements. Son regard est donc parfois un peu biaisé par sa naïveté.
De plus, à des passages décrivant la réalité (la Realta) sont mêlés des passages de sa nouvelle œuvre, une fantaisie (La Fatasia) intitulée Ariosto Furioso.
Dans cette œuvre, Lodovico est un soldat de l’Italia Federata. Fier et valeureux commandant de troupes, il chevauche un hippogriffe. Avec ses lanzi, il est sur les terres du Nouveau Monde pour
défendre ses habitants (cherokee, et autres indiens) et combattre un très puissant sorcier.
Bref, tout ça n’est que le plantage du décor. Pour ce qui est de l’intrigue en elle-même, elle est assez creuse. On assiste à l’arrivée du héros, à la reconnaissance du terrain et à l’avancement
des préparatifs de la bataille dans la Fantasia. Et dans la Realta, au milieu d’un lourd verbiage politique, Damiano reçoit un émissaire de l’Angleterre qui doit se rendre en Pologne. Cet
événement est le déclencheur du mécontentement de plusieurs états de la fédération. Et c’est pile à ce moment que Damiano envoit Lodovico écrire tranquillement à la campagne… si bien que les
remous politiques sont bien lointains. Il ne se passe pas grand-chose, en apparence, pendant de nombreuses pages, mis à part qu’on en apprend de pas tristes sur les mœurs de certains hommes de
pouvoir. Tout ça pour qu’au final tout s’accélère, et on ne comprend pas trop bien pourquoi. Ca laisse un gros sentiment d’inachevé.
Le seul aspect un peu intéressant, et encore, pour peu qu’on prenne le temps de fouiller, c’est de rechercher les quelques points d’ancrage avec notre Histoire dans le roman.
C’est à Florence (Firenze), que vit Damiano de’ Medici, comme les de’ Medici qui ont eu un fort pouvoir sur cette province à cette période.
De même, le Pape, est Cosimo de’ Medici… dans les faits, Cosme de Medicis sera effectivement Pape quelques années plus tard.
L’époque où se déroule l’histoire a effectivement connu un poète qui s’appelle Lodovico Ariosto, surnommé L’Arioste. Mais celui-ci était plus ancré dans la politique que son double uchronique. Il
a été l’auteur d’un long poème épique, Orlando furioso (Roland furieux), qu’il a longuement retravaillé (« publia son poème pour la première fois en 1516, en 40 chants, mais il ne cessa
de le retoucher et en donna en 1532 une édition augmentée de six chants » dixit wikipédia). Olando furioso traite de la guerre entre Charlemagne et les Sarrasins et a pour héros Roland,
amoureux d’Angélique.
Il est amusant de faire des parallèles entre les deux personnages et leurs textes. Le Lodovico du roman a également écrit un Orlando Furioso avant d’aborder cet Ariosto Furioso. Lui aussi a
longuement retravaillé le texte. Dans cet Ariosto Furioso, la guerre est celle du prince Falcone contre un sorcier maléfique. Et le héros, Ariosto est lui aussi pris dans un amour impossible. Et
étrangement, le véritable Lodovico décède en 1533, l’année où ce déroule ce roman.